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Suzanne Dracius : Entretien avec Aimé Césaire

Publié le mercredi 20 décembre 2006 par Webmaster

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Aimé Césaire. — Bonjour, Rosalie ! Ou Simonise … Non ! Lumina. C’est Lumina que je vois en vous. Mais la Muse africaine, où l’avez-vous cachée?
Suzanne Dracius. — La Muse Africa, elle est en moi, au fond de moi, n’ayez crainte.
Aimé Césaire. — Elle est un peu vous ?
Suzanne Dracius. — Oui, oui. Elle flotte autour de moi.
Aimé Césaire. — C’est bien. Vous l’avez bien rendu. C’est commode, la mythologie, hein ? Et c’est arrangé pour… Vous avez dit la vérité sur les Martiniquais. Je craignais beaucoup pour vous, parce que, pour la fin, la pauvre Lumina, édentée, boitant, misérable, c’était dur à faire avaler. Enfin… C’est bien. C’est un ouvrage intéressant, à tous les points de vue, et ce n’est pas une histoire avec une mythologie, mais elle est plus vraie que toutes les histoires, et la langue est très bonne, parce que ce n’est pas du créole, mais c’est un français tel, un créole tel, que les Français … Le métissage est réussi.
Suzanne Dracius. — Ah, je vous remercie.
Aimé Césaire. ¬— Et c’était difficile à faire. Je trouve ça astucieux, la mythologie, ça vous dispense de faire une analyse politique, la voix de l’Afrique est là !
Suzanne Dracius. — Oui, voilà.
Aimé Césaire. — Et ça a un sens, la voix de l’Afrique. Et puis il y a une Martiniquaise, Indienne, on peut dire, qui s’appelle Rosalie, non ! Non : Simonise. Et Rosalie, qui est un peu là ! Je vous ai lue, n’est-ce pas ?
Suzanne Dracius. — Vous m’avez plus que lue, vous m’avez vue, vous m’avez débusquée jusque dans les moindres méandres ; ça, ça me fait plaisir.
Aimé Césaire. — Et je vous relirai.
Suzanne Dracius. — Cela me touche beaucoup. Merci.
Aimé Césaire. — C’est fait très habilement, alors ! Faire passer cela à la scène et faire jouer ça, il faut de véritables acteurs, car ce n’est pas facile, mais qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez pu jouer ?
Suzanne Dracius. — Oui, elle a déjà été jouée ici, au Festival du Marin et à Rivière-Pilote, aux Nuits culturelles.
Aimé Césaire. — Entièrement ?
Suzanne Dracius. — Oui, oui.
Aimé Césaire. — L’acte 4 n’a pas été écourté ?
Suzanne Dracius. — Non, non, on a tout joué. Ça prend deux bonnes heures.
Aimé Césaire. — Ça a été bien compris ?
Suzanne Dracius. — Oui ! Comme il y a des éléments qui font passer, et qui font avaler… Parfois, grâce au comique, ça donne des respirations, ça a été bien compris dans l’ensemble. Il y a même un petit garçon qui s’est bien amusé et qui était intéressé à tel point qu’à la fin, il a voulu garder en souvenir un des petits cailloux et des piments factices qu’elles lançaient, les Pétroleuses, pendant l’assaut.
Aimé Césaire. — En tout cas, c’est bien astucieux et c’est très bien fait. Et c’est un exploit ! Il était fort relativement simple de suivre l’histoire, mais vous avez fait autre chose, vous avez fait comprendre l’Histoire.
Suzanne Dracius. — Merci, cela me fait grand plaisir. En tout cas, tous mes vœux pour cette année ! Je ne sais pas quels sont vos vœux les plus chers, mais je vous souhaite une bonne année 2006.
Aimé Césaire. — Ah, vous savez, je n’en ai plus beaucoup, parce que ça fout le camp de toutes parts…
Suzanne Dracius. — Ah bon ?
Aimé Césaire. — Les épaules, les mains… Je ne peux même plus écrire, car cela me fait mal… Les jambes coupées, l’estomac… en…
Suzanne Dracius. — En décapilotade ?
Aimé Césaire. — Bref, j’ai envie de dire, pour vous imiter : c’est le commencement de la fin.
Suzanne Dracius. —Non, non, ce n’est pas le commencement de la fin ! « Et ça ne fait que commencer * » !
Aimé Césaire. — Vous travaillez à quoi ?
Suzanne Dracius. — Je vais vous égayer avec un petit poème que j’ai écrit, parce que, là, je travaille sur une anthologie poétique, pour sa coordination.
Aimé Césaire (lisant). — « Suzanne Dracius, Pointe-des-Nègres, Prosopopée suburbaine »… Je crois que vous aimez la mythologie, la forme grecques. Très bien. (Lisant.) « … Quel nom d’Afrique me donnèrent-ils avant que les leucodermes… » … (Il poursuit sa lecture et tourne
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