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Edito |Aviation : la puissance ne protège pas de la fragilité [Par Jean-Louis Baroux]
L’incident, puisqu’il faut bien appeler ainsi ce qui est arrivé à un Airbus de JetBlue la semaine dernière, est significatif de la fragilité des géants de l’aéronautique. Le phénomène est d’ailleurs bien décrit dans un article d’AeroBuzz par son rédacteur en chef Gil Roy.

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect En fait il ne s’est pas passé grand-chose, et cela aurait pu rester inaperçu s’il n’y avait pas eu précédemment les accidents des deux Boeing 737 MAX dont ont été victimes Lion Air et Ethiopian Airlines. L’Airbus A320 a fait un piqué intempestif qui a pu être rattrapé par les pilotes et tous les passagers ont atterri sains et saufs. La cause est connue, il s’agit d’un dysfonctionnement du logiciel qui commande la gouverne de profondeur, suite à des radiations solaires. N’étant en aucun cas un spécialiste de ce genre de technique, je me garderai bien d’aller plus avant dans les commentaires. Mais je souhaiterais livrer une réflexion sur la fragilité des deux énormes groupes aéronautiques qui dirigent maintenant, au moins la production et sans doute, même si cela se fait de manière indirecte, tout le transport aérien.

Airbus et Boeing, quand le doute s’installe chez les deux grands avionneurs ! Les deux constructeurs principaux l’un européen et l’autre américain, sont de taille comparable. Boeing emploie 172.000 salariés et Airbus 157.000. Ils font un chiffre d’affaires à peu près équivalent : 66,6 milliards de dollars pour l’américain et 69,3 milliards d’euros pour le consortium européen. Ils sont l’un et l’autre présents dans toutes les branches de ce secteur, depuis les avions de ligne, jusqu’aux hélicoptères en passant par la défense et l’espace où ils sont des acteurs majeurs. Airbus existe depuis plus d’un demi-siècle et Boeing a dépassé le siècle depuis son origine. Bref, voilà face à face deux géants dont personne n’aurait pu douter de leur solidité. Et pourtant …

L’approche financière au détriment de la R&D Boeing faisait la course en tête jusqu’au milieu des années 2010, au moment où son concurrent Airbus prenait la bonne décision, celle de moderniser en profondeur sa gamme moyen-courrier A320 et de créer de toutes pièces un bimoteur long courrier l’A350. La réponse de l’opérateur américain a été désastreuse. Au lieu de poursuivre la stratégie qui avait fait sa prospérité à partir d’innovations techniques et donc de recherches certes très couteuses, mais très rentables à long terme, les dirigeants de l’époque ont privilégié une approche financière destinée à faire monter le cours de bourse, tout en distribuant de généreux dividendes à ses actionnaires, principalement des fonds d’investissements. Et au lieu de préparer une riposte appropriée à l’offensive d’Airbus sur la gamme moyen-courrier le constructeur américain a choisi le coût minimal qui consistait à apporter des aménagements à son appareil à succès le B737  et en modifiant son système informatique de gestion.

A lire également -  Marrakech 2025 | l’Afrique pose les fondations de sa souveraineté minéraleEt finalement quelques lignes informatiques ont amené le constructeur américain au bord de la faillite après avoir causé la mort de plus de 300 personnes.

Une interrogation semblable se poser pour Airbus. Personne n’aurait pu penser que des radiations solaires pouvaient causer un problème informatique qui, fort heureusement, n’a pas eu de conséquences mortelles. Cet incident frappe le constructeur européen au moment où tout semble lui réussir. Il a petit à petit réglé son problème d’approvisionnement et la coordination de ses quelque 400 sous-traitants, ses avions se vendent comme des petits pains et ils sont devenus très rentables, sa gouvernance est stabilisée et ses principaux actionnaires les Etats français, allemand et espagnol qui représentent 26% du capital, n’ont pas été trop gourmands quant à la distribution de dividendes. Et voilà que tout d’un coup une adaptation de logiciels amène la mise au sol de quelque 6.000 appareils, certes pour peu de temps, mais avec un impact médiatique dont Airbus se serait bien passé. Et d’ailleurs au-delà de l’aspect public il y aura certainement une partie judiciaire.

Airbus cause du tort à quelque 5,4 millions de passagers En faisant un calcul tout simple, sachant que chaque appareil de la gamme A 320 effectue en moyenne 6 allers-retours par jour avec un emport moyen de 150 personnes, ce ne sont pas moins de 5,4 millions de passagers qui ont vu leur voyage perturbé. Qui va payer ? Selon les règles en vigueur les clients ont droit à une compensation lorsque leur vol est retardé ou annulé, ils vont alors s’adresser à leurs transporteurs qui n’y peuvent rien et qui sont eux-mêmes pénalisés. Alors ces derniers se retourneront vers le constructeur dont on peut supposer qu’il est assuré pour ce genre de problème. Les indemnités peuvent atteindre des sommes considérables et l’imbroglio juridique tout à fait remarquable. Le tout pour un logiciel défaillant sans que rien n’ait pu le laisser soupçonner. La réaction d’Airbus a été très saine et cela a forcément limité la casse.

A lire également -  Rabat | Africa Investment Forum : le Plan Mattei lance son bras financier pour la transformation de l’AfriqueCela illustre la complexité du transport aérien qui peut dépendre d’une infinitésimale partie de la construction d’un appareil. Et on voudrait encore nous faire croire que ce magnifique produit peut se vendre à des tarifs promotionnels qui n’ont aucun sens ?                                                


Article publié le lundi 1 décembre 2025
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