Plus de deux tiers des anciens députés réélus, le FPR au pouvoir et ses alliés à 98% des voix : presque rien ne change au parlement rwandais. A tel point que de nombreux électeurs s'interrogent sur l'utilité des élections.
) Cinquante des 80 députés de l'ancien parlement ont été reconduits pour les cinq ans à venir lors des élections législatives au Rwanda le 16 septembre dernier. Trente nouveaux ont cependant fait leur entrée. Pour un membre du Front patriotique rwandais (FPR), parti au pouvoir au Rwanda, la présence de nombreux députés aguerris va faciliter la continuité des travaux du nouveau parlement. "Les nouveaux parlementaires seront vite initiés par les anciens", ajoute-il.
Mais certains électeurs se demandent eux à quoi sert d'élire un "nouveau" parlement. Un villageois de Gataraga, district de Musanze au nord du pays, suggère que "si une bonne partie d’anciens doivent revenir, il ne faut pas dépenser beaucoup de moyens pour les élections. Pourquoi ne pas les reconduire d’office ?"
Ce militant estime que le FPR, très puissant et omniprésent à tous les échelons de la société rwandaise, veut garder l’esprit qui a marqué l’ancien parlement. "Celui-ci a toujours collaboré avec l’exécutif privilégiant l’entente pour ne pas bloquer la gouvernance du pays", estime un politologue de Kigali. Une entente facilitée par les résultats des élections. D’après le président de la Commission nationale électorale, le professeur Kalisa Mbanda, la coalition du FPR du président Paul Kagame a, en effet, remporté plus de 76% des voix, suivie de "ses deux petits alliés", le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti libéral, qui ont obtenu respectivement plus de 13% et plus de 9% des suffrages aux élections. À eux trois, ils totalisent ainsi plus de 98% des suffrages. Aucun autre parti ou candidat indépendant n'obtient plus de 0,6 % des voix. Il faut avoir obtenu au minimum 5% des voix pour siéger au parlement.
Le libre choix bloqué par les listes bloquées
De nombreux électeurs affirment aussi qu’ils ne peuvent pas désigner leurs vrais représentants car la loi les empêche de choisir les candidats qu’ils préfèrent. La constitution rwandaise stipule, en effet, que "les membres de la Chambre des députés sont élus au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq ans, au scrutin de listes bloquées, à la représentation proportionnelle". Pour nombreux Rwandais, ce mode d'élections ne favorise pas le libre choix de l’électeur. Un membre d’un parti d’opposition de Kigali affirme que certains députés n’auraient jamais pu être élus si les électeurs avaient eu à choisir. "Certains parlementaires n’ont pas de compétence pour avoir le crédit des citoyens", explique-t-il.
Même si quelques partis associent tous les membres du parti au choix des candidats qui doivent figurer sur la liste du parti, d’aucuns affirment que, dans certaines formations politiques, le choix n’est pas fait dans la transparence. "C’est pourquoi les mêmes personnes s’éternisent au parlement. Il y en a qui viennent d’y passer 19 ans", note cet opposant. Si les élections sont organisées pour reconduire ceux qui sont en place, les électeurs ne sont guère motivés. "Pas d’intérêt. Les élections servent seulement à écarter ceux qui sont mal vus par le pouvoir et à reconduire ceux qui sont pris pour de bons élèves par des responsables politiques", en déduit un politologue de Kigali. Lors des législatives du 16 septembre dernier, le taux de participation a pourtant été de 98%, selon la Commission nationale électorale car la population est fortement incitée à voter par les autorités.
Albert-Baudoin Twizeyimana
Article publié le mercredi 2 octobre 2013
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