Au centre du Katanga, les filles sont mariées dès l'enfance par leurs parents, pour leur éviter des grossesses hors mariage dit-on. Livrées très jeunes à leurs époux, elles vivent souvent un calvaire dont elles ne peuvent sortir. Rencontre avec Céline, mère à 14 ans.
"Je serais aujourd’hui en train de finir le cycle d’orientation. Jamais je ne ferai à une seule de mes filles ce que mes parents m'ont fait", rumine Céline, mère à 14 ans, qui regrette d'avoir été mariée si tôt.
Assise à l’entrée de la case de sa grand-mère dans leur village proche de Likasi, au Katanga, où elle s'est réfugiée depuis une dizaine de jours, elle berce un bébé de deux mois. "Affamé ou rassasié", le nourrisson n'arrête pas de pleurer ce que ne supporte pas son époux. "Depuis que j’ai mis au monde il n’y a plus de paix au foyer. Chaque fois que mon mari rentre le soir et qu’il entend les pleurs du bébé, il me tabasse, profère des injures et promet de me renvoyer chez mes parents chercher un remède aux pleurs de l’enfant", raconte la jeune mère. Fatiguée, Céline a choisi d'aller chez sa grand-mère : "Je ne veux pas aller chez mes parents, ils sont la cause de mon calvaire". Elle raconte…
Briser le tabou
"J’avais 12 ans quand mes parents, usant de plusieurs exemples, m’ont convaincue de me marier. Pour eux, si je continuais à étudier, je serais engrossée et perdrais la chance de me marier", se souvient-elle. Pour obéir à ses parents, elle a arrêté sans savoir ce qui l’attendait. "La tradition, qui veut le bonheur de ces filles, ne leur permet pas d’avoir des enfants en dehors du mariage. C’est pourquoi leurs parents les marient tôt", se justifie le chef du village Mukumbi. Pourtant certaines filles du village estiment que cette tradition, dont on ne parle pas et qui les avilit, est un fardeau dont il faut se libérer. D’autres, résignées, estiment qu’on ne peut pas s’en prendre pas à la tradition, héritage des ancêtres. Aux yeux des vieux du village, c'est un sacrilège de vouloir passer outre.
Ceci révolte Marie-Claire, 20 ans, mariée elle aussi dans le même village il y a cinq ans : "Je me demande si nous filles, sommes les marchandises de nos parents qui peuvent nous vendre quand ils veulent.". A Mukumbi, l’entente entre les parents du garçon et ceux de la fille suffit à marier leurs enfants, avec ou sans le consentement de ces derniers. "Lorsque les deux familles s’accordent, on verse du vin de palme chez la fille en guise de pré-dot en attendant la dot proprement dite", précise Pierre Luambo, vieux du village.
Une fécondité à risque
Au Katanga, une adolescente sur quatre est mère contre une sur 6 dans le reste du pays. L’indice de fécondité est aussi parmi les plus élevé du pays, soit 8,6 enfants par femme. C'est pourquoi le gouvernement central a célébré la journée mondiale de la population le 11 juillet 2013 dernier à Lubumbashi sur le thème : "Les grossesses des adolescentes". Ces filles mariées dès l’enfance, interrompent leurs études, sont enceintes avant leur maturité physique risquant un accouchement difficile, un avortement provoqué… Ce que dénonce Babatunde Osotimehin, directeur exécutif de l’UNFPA (Fonds des nations unies pour la population, en français) dans son message du 11 juillet. "Environ 16 millions des filles âgées de 15 à 19 ans donnent naissance chaque année et les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la principale cause de décès parmi les filles de ce groupe d’âge, surtout dans les pays en développement", fait-il savoir. Pour inverser la tendance, José Mangalu, consultant à l’UNFPA recommande entre autres que l’âge légal minimal de 18 ans pour contracter un mariage soit respecté, que la même chance de scolarisation soit donnée aux filles et aux garçons et qu'on protège et promeuve les droits des adolescentes.
Maurice Mulamba
Article publié le lundi 5 août 2013
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