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Niger

Emzad, un trésor en perdition

 





 



Considérées à tord ou à raison de carburant moteur des sociétés humaines, les traditions font marcher les communautés. De tous les temps et en tous lieux de ce vaste monde, les sociétés ont vécu, vivent et vivront certainement avec leurs coutumes. Chez les Touaregs du nord Niger, outre le tambour traditionnel appelé Tende, existe l’emzad, violon monocorde joué par les femmes et pour les Hommes. La société touarègue est intimement liée au son de l’emzad. C’est le : “ nerf sciatique de la communauté touarègue”, affirme l’ex-ministre Aïtock Mohamed.




 



Hélas, cet instrument de musique transmis de mère en fille qui est très respecté chez les Touaregs se meurt à petit feu. On ne compte plus que quelques vieilles femmes qui savent en jouer. Des vieux tirent la sonnette d’alarme aux oreilles inattentives des jeunes plus attirés par le modernisme.L’heure est grave! Que faire? Reportage.



 



L’emzad a une longue histoire. Selon certaines sources, le premier emzad a été confectionné par une femme qui à loué le courage de son mari qui a su résister aux ennemis.Tous les hommes ont fui et seul ABARAD était resté pour défendre corps et âme les femmes et les enfants  du campement jusqu'à la dernière goutte de son sang. Pour lui rendre hommage, son épouse coupa des mèches de ses longs cheveux pour  confectionner le premier emzad. Le répertoire de l’emzad est constitué des poèmes  épiques et lyriques  joués et chantés la nuit  aux heures de repos et de méditation.



Mais  la pratique de cet instument tend aujourd’hui a disparaître. Il reste peu de femmes à savoir encore le manier. Il est donc urgent de trouver les moyens de sauvegarder cet instrument unique au monde avant qu’il ne soit trop tard.



Du haut de ses quatre vingts ans, la violoniste Ajo Emini tire la sonnette d’alarme : “ L’emzad se meurt ! Faites rapidement quelque chose”. Avant d’enchaîner avec un brin de mélancolie : “ De nos jours les hommes ne respectent plus rien, pas même l’ASHAK, ce code de conduite qui a fait la fierté des Touaregs. Pour vous dire la vérité, les hommes touaregs n’écoutent plus l’emzad. Seuls quelques personnes le font “, s’alarme t-elle. Elle en sait quelque chose ! Elle est l’une des toutes dernières joueuses que compte la région d’Agadez et sait qu’elle n’a plus de rélève.



L’emzad est un formidable véhicule des valeurs ancestrales très capital chez les touaregs. L’emzad rappelle aux hommes qu’ils ont un devoir de bonne conduite à l’égard des membres de la société. L’emzad interdit de frapper la femme ; l’emzad interdit d’ignorer les faibles et les enfants en détresse. «Son premier mérite qui force l’admiration est le fait que l’emzad  s’efforce à corriger les travers de notre société. L’emzad rappelle aux Hommes le contrat social qui les lie à la vie du campement. Nul ne doit rester insensible au son langoureux de l’emzad !  Ce son qui devient fouet pour  lacèrer la peau des faibles et des lâches. Ceux qui ont failli en public !  ”, explique Ibrahim Diallo, auteur d’un livre inédit : “Emzad, ou le soupir étranglé”.



Même souci pour Aitok Mohamed, ancien ministre du Niger et homme de culture très reconnu à Agadez, il se felicite de l’initiative de la Radio Nomade FM basée à Agadez, laquelle à travers une  emission intitulée “ Elan n’Ashak “  qui veut dire en français “ les années de l’honneur”  fait de son mieux pour sensibiliser les gens. Cette émission qui a un grand auditoire a permis aux jeunes de la région de mieux connaître et comprendre les valeurs de l’emzad.”  “ Cela ne suffit pas, s’inquiète Aïttock, il faut que l’Etat se soucie de le préserver avant qu’il ne soit trop tard !”.



Certes des inititives locales sont envisagées mais ne sont pas d’un grand effet par manque de soutien.  A Agadez, Abdallah ag Oumbadougou, un chanteur rénommé se bat contre la disparition de cette coutume ancestrale avec son association TAKRIST N’TADA. Idem pour le comité d’organisation du Festival de l’Aïr qui a inscrit un concours de l’emzad dans son programme.  Ce qui a permis à des jeunes joueuses et accompagnateurs de l’ emzad de se faire connaître. Et sur un plan plus général, l’Association pour le développement durable et la solidarité ( ADDS) de Issouf Ag Maha a initié une école de l’emzad à Agharous et dans le Talak, avec l’appui de Croq’Nature et de l’UNESCO.



Mais pour imprimer à cette démarche de sauvegarde un caractère plus salvateur, il est impératif que l’Etat du Niger et au délà tous les Etats ayant en partage l’emzad comme l’Algérie, le Mali, le Maroc et la Mauritanie conjuguent leurs efforts dans le même sens.



Une perte inestimable se passe en silence. La continuité de l’emzad est lié au souffle de ces quelques femmes qui restent encore en vie. Quand elles nous quitteront, il n’y aura plus d’emzad ! Plus de code de conduite ! Plus de l’entraide !. C’est le drame qui nous guette ! Traditionnalistes  de tous bords, mobilisons-nous !



Hadan Issouf



 






lundi 21 novembre 2011







 


Article publié le Saturday, November 26, 2011