Paule Doyon
demeure au Québec. Elle est écrivain et poète. Elle écrit et publie depuis
près de trente ans. Elle a publié quelque vingt-cinq livres pour enfants.
Quatre romans, un recueil de Nouvelles de science-fiction et cinq recueils
de poésie. Elle publie dans différentes maisons d'éditions québécoises. Elle
a aussi de nombreuses publications dans diverses revues et anthologies. On
peut trouver plus de détails sur ses livres sur
son site:
PlaneteAfrique : Votre
"Imaginaire", C'est un monde ? Une démarche ? Qu'est-ce que c'est ?
Paule Doyon : Mon
imaginaire ? sûrement pas une démarche. L’imaginaire n’a rien à voir avec
une démarche qui serait, elle, toute intellectuelle. Je dirais que c’est un
regard qui se fait ignorant pour tenter de redécouvrir la vraie beauté, la
vraie folie, le vrai fond des choses et des êtres. Un questionnement, une
tentative de recréer, avec les éléments de ce réel appréhendé, un univers
conforme à ce regard. Je crois que toute création commence par le regard.
J’ai écrit, dans un de mes recueils de poésie, une phrase que j’aime bien
parce qu’elle résume ma pensée, vis-à-vis de la poésie par exemple : « regarder
les choses et les écouter dire »
PlaneteAfrique :
Le codage musical est omniprésent dans votre univers. Est-ce fortuit ?
Paule Doyon : Pour la
musique, j’en écoute très peu... volontairement. Mais comme mon mari est
musicien j’en entends constamment. De sorte qu’elle fait partie de ma vie
d’un façon inconsciente. Un jour une lectrice m’a fait remarquer qu’il y
avait toujours une référence à la musique dans la majorité de mes écrits...
Je n’en avais pas pris conscience. Sans doute que Bach entendu en sourdine
s’insère en catimini entre mes lignes. Et sans doute est-ce encore pour cela
qu’on entre dans les pages de mon site par des notes... il n’y a pas de
code, c’est inconscient. D’ailleurs la poésie est le chant des désirs et
la musique de l’être ai-je écrit au portail du site ! Déjà la poésie est
musique. Pour moi la musique est dans la course de la rivière, dans le vent,
la pluie, tous les bruits de la nature sont une musique naturelle qui
m’accompagne. Je pourrais dire que la musique que je préfère est celle du
silence. Car le silence n’est pas silencieux. Il est rempli de la musique de
la vie même. C’est la plus belle des symphonies.
PlaneteAfrique :
Pour vous, "Les mots sont des oiseaux qui volent à travers les poèmes",
mais les images ? Celle-ci par exemple .
Paule Doyon : Il y a
plusieurs années j’avais demandé à mon fils de me faire un dessin pour
illustrer mon premier recueil de poésie. Mais l’image est arrivée trop tard
chez l’éditeur, le livre était déjà sous presse. Je l’ai placée sur mon site
car je trouve que cette image représente bien la poésie, la liberté. On peut
y voir ce que l’on veut, comme dans la poésie... et j’y vois même de la
musique...
PlaneteAfrique :
Restons dans les interprétations visuelles. Le Réel par exemple. On
dirait qu'avec vous il ne revêt toute sa dimension que dans … l'irréel, le
fantastique, la Fiction ?
Paule Doyon : Vraiment
? Comme l’on prend parfois vraiment conscience des particularités d’une
personne en la regardant sur une photo, il arrive que dans le fantastique ou
la fiction, on peut aussi découvrir des parts du réel qui nous échappent
dans la monotonie de l’existence.
PlaneteAfrique :
La puissance onirique que vous attribuez aux mots pour les enfants ou
aux mots d'animaux…
Paule Doyon : Le monde
de l’enfance, où les choses s’animent et les animaux parlent et nous
révèlent leur intelligence, me fascine et je puis m’y replonger facilement.
C’est l’univers de la création. Je crois que tout créateur conserve une
porte ouverte sur son enfance... C’est le pays du rêve. Le présent y est
assez étroit pour que l’infiniment petit puisse y devenir infiniment
grand...
PlaneteAfrique :
Et l'humour, comme dans "Faut que je te parle d'Albert" ?
Paule Doyon : L’humour
permet d’alléger le tragique de la vie. De colorer ses parties trop sombres.
En un mot : permet de survivre. Ainsi je n’aurais pas pu écrire « Faut que
je te parle d’Albert » selon la version de la personne qui a vécu réellement
cette aventure. C’était trop angoissant, il m’a fallu utiliser l’humour pour
passer à travers ce récit.
PlaneteAfrique :
Par votre approche de l'enfance et des différentes narrations dans la
rubrique "Enfants" Êtes-vous en train de développer une méthode
d'apprentissage / éducation cognitive ? Ces vers spécialement : "La fleur
est faite pour être belle. Le soleil pour réchauffer. Et la chenille…pour
pique-niquer! La seule heure connue …"
Paule Doyon : Je n’ai
pas d’ idées de méthode. Je ne veux surtout pas enseigner aux enfants ce
qu’ils connaissent bien mieux que moi : regarder. Je me souviens qu’un jour
où je prenais une marche avec ma petite-fille de trois ans et que nous
traversions un champ de fleurs, elle s’arrêta figée soudain. Et comme
j’insistais pour continuer la marche en lui demandant ce qu’elle faisait là
arrêtée, elle m’avait répondu : je regarde... alors j’ai regardé moi aussi
et j’ai compris que les adultes oublient de regarder la beauté autour d’eux.
Quand j’écris pour les enfants
j’essaie simplement de retrouver l’enfant en moi. Je n’écris pas pour les
enfants, ce qui fait de mauvais livres. Je deviens un enfant. De sorte que
tout en plaisant aux enfants je peux, il me semble, aussi rejoindre l’enfant
perdu en tout adulte. Et j'ajouterai que pour écrire de la poésie, c'est le
même procédé pour moi : il s'agit de retrouver mon regard neuf, pas
contaminé par l'habitude de voir... et je dirais que je retrouve cela aussi
dans la poésie africaine.
PlaneteAfrique :
Si vous étiez amenée à faire une étude critique de la littérature
africaine, de sa poésie, de sa "brutalité" ou, pour être plus précis, de sa
modélisation à la "GELSTAT"
Paule Doyon : Je n’ ai
jamais mis les pieds en Afrique. Mais j’en ai rêvé ! Il y a plusieurs années
mon mari est venu très près d’y aller travailler. Pendant des mois nous
avons imaginé ce pays de soleil, le dépaysement. L’Afrique représentait pour
nous le calme, la bonne façon de vivre, une sorte de GELSTAT innée chez les
Africains.. Hélas le projet à échoué. J’avais même alors écrit une Nouvelle
sur cette fascination de l’Afrique sur l’esprit de mon mari. L’Afrique nous
apparaît toujours comme un arrière - plan paradisiaque sur la neige de nos
rudes hivers québécois.
Chaque année à l’occasion du
Festival international de la poésie qui se tient à Trois-Rivières, près de
chez moi , quelques poètes africains comptent parmi les invités. J’ai lu
aussi sur le Web un peu de la poésie des femmes africaines. Mais je ne peux
pas dire que je connais vraiment la poésie africaine. Je ne saurais donc en
faire une critique. D’ailleurs Novalis n’a-t- il pas écrit que toute
critique de la poésie est absurde. Je puis dire simplement qu’elle me
fascine par son originalité, la fraîcheur de son regard, base même de la
poésie. On y découvre la profondeur de qui sait regarder, la sensualité, la
magie, un certain mysticisme et l’imagination, toutes des qualités de la
vraie poésie. Pour moi elle sent le soleil et malgré toutes les contraintes
sans doute, sourd d’elle une lumière de liberté. Je rêve peut-être ? Eh bien
oui, elle me fait rêver.
PlaneteAfrique :
Après vous avoir lue, mon sentiment d'africain est de vous voir comme un
conteur noir, un griot des temps modernes. L'image vous déplaît ?
Paule Doyon : Ça me
plaît assez... même beaucoup... poète... ça va, musicien ??? peut-être la
musique des mots... et un lecteur vient justement de me découvrir un petit
côté chaman... !!!
PlaneteAfrique :
Tout à fait autre chose : le Monstre Internet a-t-il une quelconque
influence sur votre façon de penser, écrire ou produire ?
Paule Doyon : Vous avez
raison de la qualifier de monstre. Car l’internet mange le temps à une
vitesse incroyable. Je ne crois pas que l’internet change ma façon d’écrire,
ni de produire. Peut-être qu’elle la restreint même. Car le temps que je
mets à enrober de couleurs et d’images les textes sur mes pages m’enlève du
temps pour écrire autre chose. Mais cela me permet aussi de diffuser mes
écrits à la grandeur de la planète, ce qui ne signifie pas, j’en suis fort
consciente, qu’ils soient énormément lus mais probablement davantage qu’un
livre perdu lui aussi à travers des milliers d’autres.
L’internet est l’invention qui
fait de la Terre un village. Le bon et le mauvais s’y côtoient, c’est en
pensant à cela que j’ai écrit, dans l’enthousiasme de sa découverte, Le
chat de l’an deux mille !
PlaneteAfrique - 2002 |