Vois si l'oiseau
solitaire est venu ce matin
nicher dans l'ombre de ta main
Sur la page de la nuit
il agite l'eau de l'espace sombre
Je ferme les paupières et son aile m'effleure
Son bec ouvert boit les dernières miettes
du sommeil
Plus précieux
que les mots des songes
il répand l'or de ses ailes
sur nos yeux qu'un soleil inonde
Les feuilles de ses plumes s'envolent
par la fenêtre étroite
Et la chambre vogue sur un océan de joie
Je rêve souvent
à cet oiseau étrange
Au jour où il viendra mourir
sur ma chair tendue telle une voile
une vitre invisible à l'oiseau de la mort
Dans l'ombre de ses ailes je courberai ma tête
Attendant sur l'eau noire que le passé
me prenne
Tous mes mots
comme autant de plumes
redessineront cet oiseau tendre
Son nid creusé dans mes veines
flottera vide sur des heures disparues
Vers quel pays
d'un monde secret
va-t-il aller noyer ses ailes
loin de l'ombre douce de ta main
Traverser la fenêtre ouverte
boire au regard humide de l'eau
Au plus profond du cosmos
faire entendre son cri
Et revenir dans la chambre verte
dormir à deux pas de ton lit.
J'aime cet
oiseau sombre
Ses grandes ailes de noire - nuit
couvent mes phrases
Son bec creuse un sillon au silence
à la musique de mes mots naïfs
Je veille mon
cœur je veille
les pensées qui agrandissent le jour
Elles marchent sur des mottes de vie
jusqu'à l'aube d'où l'eau s'écoule
Empêchent l'oiseau d'ombre
de blesser ta main profonde
Seule dans la
chambre ouverte
de rosée et d'herbes j'ai fait un nid
Tous les oiseaux du monde viennent y dormir
Seul l'oiseau solitaire vole encore sur mon
corps assoupi
La nuit rampe
dans ses couloirs d'ombre
Le temps se fige dans des chambres secrètes
Aucun oiseau ne survole ces lieux sombres
Le passé s'y amuse avec lui-même
L'avenir s'y tapit dans un instant discret
Je rêve
peut-être, peut-être suis éveillée
quand ta main s'agite comme un oiseau effrayé
sur mon corps où la vie se terre…
Au dehors le
soleil avance ignorant
vers la fenêtre où le jour s'apprête
à reconnaître chaque image éclairée
de la vie plus vaste que nos corps frêles
Sur le monde cet
oiseau passe
Mais au creux de ta main il a son nid
Je frémis au contact de son aile
qui fait rêver mon corps endormi
Mon âme s'éveille parfois au milieu de la nuit
pour capter l'éclair de son vol
dans le sombre étoilé de la chambre fermée
Je meurs à
chaque instant
pour revivre un peu plus haut
Pour m'envoler avec l'oiseau étrange
que ta main enferme dans sa paume
et que l'aube libère…
Ses ailes portent alors le soleil
du rayon sombre de la terre
jusqu'au puits de lumière
d'où il émerge
Cet oiseau
étrange vient consoler mon corps
Son chant me porte loin de la terre
Harpe de plume à travers le cosmos
Il déchire l'air de ses griffes d'or
Et l'univers s'ouvre sur un instant de bonheur…
tous
droits réservés -Paule
doyon - octobre 2002 |